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BORRADA

3 Octobre 2021

Parler de Gina Lola Benzina c'est parler d'une figure née avec la scène punk/cold wave qui a agité l’underground français dans les années 70-80. Lever le voile sur une femme à la personnalité fragmentée, fragmentaire, qui apparaît avec le surgissement de la musique rock industrielle, dans un contexte qui tente d'alarmer sur les violences politiques, économiques et sociales.

 

Fragmentée, fragmentaire, c'est aussi celle dont on retrouve les traces et facettes sur les photogrammes kaleidoscopés d’un film de super 8 , sélectionnée à Cannes : "Coeur Bleu" de Gérard Courant (1980)

Tout part d’un point phosphoreux, une étincelle image, qui à l’exemple de la petite fille aux allumettes, construit un ensemble d’individualités sur un fragment vocal oublié. Un nom qui résonne comme un envol. Lola !

Ce nom, elle le choisit lorsqu'elle intègre le groupe de rock français MKB Fraction provisoire.

Formé en 1977, le groupe se produit intempestivement dans des amphis de facs, puis essaime la région, dans les différents Palace de Toulouse, Montpellier,... jusqu’à Paris, : le squat de Palikao, la scène de la Mutualité , la Fondation des Artistes, Hôtel Salomon de Rothschild, (dite Berryer), rejoignant ainsi la mouvance de la scène alternative punk : Berrurier Noir, Lucrate Milk, Jadwio...

D’entrée, MKB crée son propre label, enregistre ses premiers vinyles de manière artisanale auto produite :  45tr, 33tr, avant l’arrivée des gravures laser. C'est une prise de  racines, un estampillage d'une identité dans le mouvement du punk frenchy. 

 

Son groupe s'inspire du mouvement dadaïste, de la scène de Manchester et Sheffield.

Ses synthétiseurs Moog adopteront les harmoniques de drones électroniques distordus .

La première pochette sous plastique transparent, sera estampillée à la main avec le tampon du logo de Messageros Killers Boys, soit "MKB Fraction Provisoire", en référence au groupe dissident de la Bande à Baader.

A l'exemple des pionniers de la dissidence anglaise, les performances sur scène seront accompagnés d' échantillons d'images pré-enregistrées sur bande vidéos, procédé Betamax/Sony, inscrivant une esthétique transgressive et conflictuelle, avec l'utilisation intensive d'images visuelles dérangeantes orchestrées sur une manipulation du son. Des créations influencées par les œuvres de W.S Burroughs et Brion Gysin. Guy Debord et Raoul Vaneigem ne sont pas loin.

Le groupe sortira plusieurs albums, notamment en collaboration avec Lucrate Milk, les compagnons de scène alternative à Palikao.

C'est le début des radios libres, de La revue Actuel, l'ouverture du Palace….

 

Le but est de convoquer les contradictions et les révoltes d'une génération qui cherche à implanter un langage, une continuité propre, à ce que fût le mouvement dadaïste, la poésie lettriste du début des années 20, reprendre les revendications des Situationnistes et de la Beat Génération américaine. Dénoncer la société du contrôle, s’inscrire dans les battements magiques ou sorciers d'une revenance indienne. 

MKB ce sera aussi, la musique d’un film : "L'affaire des divisions Morituri",  ( séléctionné au festival de  Cannes 1984) de son compagnon de l'époque FJ Ossang où elle jouera le rôle de la flamine Allia celle qui incarne , selon le mot de ce dernier " le principe femelle".

Morituri : ceux qui sont appelés à mourir.

Ce nom, Gina Lola Benzina, elle le doit à un passé très ancré dans une modulation de Paramount.

C'est une jeune femme mince, effacée, férue de littérature et passionnée de langage cinéma, qui ne possédant nullement les formes de l'égérie Gina Lollobrigida, tente par la provocation de ce pseudonyme, de rallier les images qui ont alimenté les références féminines de son jeune âge.

Sur scène, elle se baptise donc «baby» d’une « messageros killers B», et s’impose en régentant les touches de son clavier Moog, saturant les amplis des résonances Messersmitt.

Premieres frappes d’une écrit sonore.

Benzina, c’est la matière, le carburant.

«God Save the Queen» des Sex Pistols ne quitte pas le diamant de la platine.

Nous sommes en 1977.

Elle se veut "Queen",

mais  ...

S’individualiser, se réinventer après les douloureuses transformations de l’adolescence, glisser les pieds en talons hauts, intégrer le processus physiologique d’être femme, quand on a à peine vingt ans ?

L’identité palpite, le ressort se tend, oscille autour des figures membres de ses racines familiales qui ne sont  ni plus ni moins que les funambules et trapézistes  Renata et Anita, ses tantes maternelles, blondes, peroxydées, admiratrices de Marilyn et de Bardot.

Gina est brune. Il faut s’inscrire en

Faux.

Semblant,

qui dans le col cygne de leurs costumes d’apparat, puise le magnétisme, le processus qui comme un dérivatif chimique conduira son corps à traverser le fil du devenir.

Car Gina Lola Benzina, ou Lydie Canga est née sous les auspices d'un mariage de funambules, immortalisé par le grand photographe Jean Dieuzaide, sur la place principale, d’une ville de province : Le Capitole. Toulouse. C’était en 1955.

Elle choisit l’année qui suit. Le 5.5.1956.

Substance qui hantera un autre long métrage de son compagnon intitulé  "Le Trésor de Iles Iles chiennes" (1990) où son synthé continue de marteler les ondes pandémiques.

le Z (Zelda) 5.5.

L C V. "Borrada" . Intro. 06. 2021


 

 

 

BORRADA
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Sarah Moon. Le petit chaperon noir.

3 Octobre 2021

Il y a un langage femme. Un balbutiement frénétique et ardent qui veut se porter à dire, hors des normes langagières et écrites que l'homme a imposées. Il y a longtemps, très longtemps, pour envoyer un manuscrit à un éditeur, une femme empruntait un nom masculin, Brontë, Sand... Dans ses créations cinématographiques, Sarah Moon porte à l'écran, cette agitation d'être femme, cette difficulté, ces craintes, cette prédation inlassablement subie de la part du mâle, comme des griffures d'oiseaux, des coups de becs sublimes pour échapper à la cage que ce membre masculin quand il œuvre en pulsions in-contenues, nous gifle en bordures de chair. Sarah Moon triomphe, crie, nous montre la voie par laquelle échapper. A nous de rendre la pareille, à nous de continuer... Au travers de montages d' images : nos rêves, nos traumatismes, nos paroles contenues.

Image :" Le petit chaperon noir". Sarah Moon.

Paris, Musée d'art moderne. 0ctobre, 2020

Sarah Moon. Le petit chaperon noir.
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