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EMILY. LES HAUTS.

8 Mars 2021

Avec « Melmoth », « le Maître et Marguerite », on chevauche le temps. Avec Barbey d’Aurevilly, on l’explore, il vient s’inscrire à la crête des flammes d’un feu du soir, qu’on partage. Je n’ai aucune mémoire des chiffres, donc aucune mémoire des années de parution de ces ouvrages. Avec Emily Brontë, le temps se PLIE, et se replie comme ses branches dans les arbres, sous le souffle du vent de la première vision. Des étincellements, des éclats de jour affluent. Catherine traverse le temps, les liens au travers des mots, des actes que l’auteur pose entre elle et Heathcliff ...les fait gagner l’ordre du cosmique. On assiste à la visitation du temps, un « internel » cher à Péguy les unit et les réunit comme une composition galactique qui les domine. Ce qui donne à ce texte une puissance sans âge, sans date, aujourd’hui, comment l’entendre ? Qui peut l’entendre encore, sinon les passionnés de sens, les explorateurs du sensible, les archéologues du sentiment. Il est perdu dans la lande… En reparcourant le texte, en en connaissant l’histoire, on s’aperçoit que les crises que traverse Cathy sont une entrée dans un champ irréel, une préscience, une captation médiumnique. Elle est zooman , comme le dirait les amateurs de GOT aujourd’hui. Et l’on se prend à adhérer au désespoir d’Heathcliff quand il saisit enfin que c’est elle, par son choix, qui a mené à leur destruction. (Citation Patti Smith). Quelques minutes auraient tout changé. C’est pour cela, que dans l’adaptation cinématographique avec Tom Hardy, le choix du personnage féminin ne me semble pas convenir. L’actrice pourrait tout aussi bien jouer dans « 50 nuances.. », que dans une pub pour un parfum de luxe. Il lui manque ce clivage indomptable, cette sauvagerie comme chaudière interne. C’est Catherine le ferment atomique du drame. En cherchant dans le choix du casting, une identification possible avec l’esthétique moderne, on ôte au spectateur la possibilité de revisiter un temps, une autre façon de rêver, d’aimer, de se comporter, de se dire, de s’exprimer. Un autre sensible possible. Polanski y réussit avec son adaptation de « Tess ». Sauvagerie comme chaudière interne, sauvagerie du désir et de l’orgasme pour une femme qui n’en a qu’un la pré-sentiment et qui s’est éteinte avant de l’avoir connu.
De Cathy et Heathcliff, Cathy est la plus sauvage. C’est elle qui le « plie » , elle, qui dans dans sa férocité de caractère le flambe et le pousse à être lui-même jusqu’à la plus profonde douleur. Mais cette douleur est chevauchée par le miracle du hors temps, de l’éternel, du rappel sans fin de l’un et l’autre, dans les vestiges d’une main qui brise une vitre au carreau d’une fenêtre. Nous sommes loin aujourd’hui de vivre des trucs pareils ! On se fout sur la gueule allègrement, sur fond sonore télévisuel. Pourtant cette violence est intrinsèque à notre condition humaine mais ne s’articule plus sur les mêmes éléments de langage. Hors le « dire » est un constitutif de l’Etre. Merci Heidegger.
L.C.V 2019
Emily Brontë, peinte par P. Branwell Brontë.

 
EMILY. LES HAUTS.
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