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CAZALLA DE LA SIERRA

15 Décembre 2020

Y a des ouvertures musicales, quatre notes de basse, un son de grosse-caisse en réverb’ … Des rythmes, dans le silence ! Qui s’accélèrent, s’accélèrent ! Un riff de guitare pour surgir d’un coup ! Vlan ! Et tout revient, et mal ! ça fait ! Mal ! Bondir, bondir ! Les retrouver dans la salle obscure, tailladée de lights ! Insouciante et venimeuse jeunesse qui espère tout ! Ne subit rien ! Insolente et insouciante jeunesse qui croit que le monde est parcellé de minerais d’or !… De matières à pomper l’émoi qui nous sent vivre ! Insolente et putréfiable jeunesse, qui ouvre les bras à la nuit ! La traverse d’échos injustifiés et cristallise toute peur, pour négocier avec les ténèbres qui entourent !

Trois coups de grosse-caisse et bondir ! Les retrouver sur un riff de guitare, comme un sourire au rasoir qui entaillerait la nuit de sa lumière !

Où, vous retrouver maintenant que je sais… ?  Maintenant que je suis… de l’autre côté ?

Seule, seule, à arpenter les couloirs aux souvenirs, à me heurter à d’étranges reflets dans les replis desquels, je vous cherche, je vous crois revenir ! Mais non, ce ne sont que des leurres ! Je me goure ! Des châteaux tremblants, des espaces lunaires de vitres déformantes ! L’espace s’est lové sous mes pas et me déporte, déporte ! En des plages désertées où vous ne reparaîtrez plus !

Des larmes frangées d’écume s’arrachent sous le vent de la plage de Cazalla de la Sierra.

Des cris désordonnés, déformés… stridences d’ oiseaux maritimes trouant de leurs becs acérés la chair fraîche et tendre des poissons lune !

Et le crépuscule rougissant qui m’imprime les veines, de son halot de tête décapitée, comme d’un Dieu perdu sur les terres effacées d’Erythrée.

Il sanguinole, ce Dieu perdu, infiniment réduit à une parcelle de poussière, un mince filament de goudron qui s’échappe de la cigarette de Sender, sa bouche aspirant, dans le froid, une haleine de tabac mentholé.

Et les morsures me parcourent, me happent, me déchirent, me désagrègent pour me coucher, vaine, dans notre histoire.

Lyot, peu à peu, s’évanouit, ses traits épousent les reflets en bord d’eau, miroitant parme sur le sable, où une vapeur bruissante de langues en écume, se jettent pour l’inonder…

Ce cri, aïe, ce cri ! En fond de gorge ! Muet, aphone qui m’étouffe ! Me suffoque ! M’asphyxie comme une noyée !

Non ! Sender, plus localisable !

Absent de toute table d’écoute, plus sous radar, plus sur la périphérie, disparu…

Sa voix effacée par les ondes satellites du cellulaire.

Comme cette autre, là-bas, ailleurs, loin, en un autre temps ! Accent lusitanien, senteurs d’une chemise de soie dans Hamra ! Cette voix, là-bas, sous lumières bleues et néons rouges, intermittents, déviant leurs lueurs cendrées, sur la stature énorme d’un taureau noir ! Loco ! L’emblème, l’effigie d’une boîte de Djounieh ! Cette voix, couvrant les mots, entre nous, comme le fracas des allers venus des phares sur la route, tout près ! Cette voix, et ce jet de roses sur mes genoux pour sceller que rien, entre nous, ne pouvait s’inscrire, et, y, rester ! Quitté Beyrouth ! Beyrouth ! L’appart clos de nos présences, de nos ardeurs ! La pellicule d’un film a tout avalé.  

Cette voix … une autre bordure de plage, à quelques kilomètres d’Achrafieh. 

« Stand’s ! stands’ ! stand’s to the radio ! »

Accélère, vite, accélère, fuis ! Cours ! Échappe ! Minette ! Qu’ils te rattrapent plus ! Ces fantômes qui agitent tes nuits d’une bave lourde récurrente ! Ces cris de rapaces en flammes, sans nom ! Échappe toi ! ! Plus personne, plus personne ! Plus rien, sinon le vide qui te traverse et t’agite sans espoir ! Fuis et oublie !

VITE.

Lyot Sender. Paris. 

Illustrations :  "Dada" Francis Gosselin.

Dada concert salle Gaveau, 1920.

Dada and Dadaisme.

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