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La nourriture sanglante des rêves. Texte en parallèle au tournage de "Coeur Bleu" de Gérard Courant.

31 Mars 2020

Le "Roman Noir" comme ces roses couleur d'ébène, répand un étrange parfum du temps jadis.

Dahlia bleu, aster jaune, issu de la fiction populaire, il est la clé qui permet d'explorer ce contenu latent, le moyen de toucher ce fond historique qui disparaît derrière la trame des événements.

C'est seulement à son approche, sous le couvert de ses feuilles vallombreuses *, de ses ombres fantastiques, en ce point où la raison humaine perd son contrôle, que se traduit l'émotion la plus profonde de l'être, émotion inapte à se projeter dans le cadre habituel du monde réel, et qui, dans sa précipitation, dans son affolement même, n'a d'autre issue que de répondre à la sollicitation des symboles et des mythes.

Nous nous trouvons en présence d'un genre, dans lequel, à l'époque où il se produit, il faut voir le fruit indispensable des secousses révolutionnaires qui ébranlaient le monde.

Les ruines n'apparaissent brusquement si chargées de significations, que dans la mesure où elles expriment visuellement l'écroulement de la période féodale.

Le fantôme inévitable qui les hante marque, avec une intensité particulière, l'appréhension du retour des puissances du passé.

Les souterrains figurent le cheminement lent, périlleux et obscur de l'individu humain vers le jour.

La nuit orageuse ne transpose que le bruit à peine intermittent du canon.

UN BRUISSEMENT DE PLUMES SOUS LES AILES

D'UN CYGNE NOIR COMME UNE RESPIRATION.

C'est sur ce fond houleux que choisissent d'apparaître des êtres de tentation, incarnant au plus haut degré, la lutte entre d'une part, l'instinct de mort et, d'autre part, un Eros qui exige après toute hécatombe humaine, qu'il soit fait réparation de la vie.

Le récit fantastique plonge ses racines dans un élémentaire et profond principe : la peur.  Sentiment permanent dans les consciences, la plus ancienne, la plus forte émotion. Et sa forme la plus puissante c'est la peur de l'inconnu.

L'univers onirique qui imprègne les oeuvres et les caractérise, est le lieu où l'homme vacille, un lieu clos, menacé d'effondrement, un lieu nocturne qu'une découverte fortuite ouvre à la lumière.

Le château, le souterrain, la forêt, la nuit n'enveloppent l'homme que pour mieux l'exposer au danger.

Une grande partie, la plus intéressante de la littérature fantastique et du roman noir, provient du subconscient et apparaît sous forme de lambeaux. Des lambeaux dont la mémoire garde la trace et qu'elle sème çà et là, sur un fond dont l'emploi peut différencier ses effets selon les cas.

Atmosphère de terreur inexplicable et incontrôlable, engendrée par de forces extérieures et inconnues.

Allusion à cette terrible invention du cerveau humain qu'est l'arrêt ou la défaite, pernicieuse ou précise, des lois établies de la nature face aux assauts du chaos, face aux démons de l'espace insondé.

CE BATTEMENT DES AILES NOIRES

CE GRATTEMENT DES FORMES DU DEHORS

VENUES DU BORD EXTRÊME DE L"UNIVERS CONNU.

 

"et ces mains aux bracelets d'esclave,

qui tournent les  pages. Ces mains de femme aux bracelets d'or. Ces mains d'or aux bracelets verts qui prennent la tête quand je m'endors."

Stanislas Rodanski. "La victoire à l'ombre des ailes."

 

 *  "vallombreuse". Ce mot n'existe pas, je l'avais inventé. Quelques années plus tard, je rencontrais un être nommé "de Vallombreuse", descendant des frères Lacloche. L'un d'eux, s'était acheté ce titre.  Les joailliers Lacloche de la Place Vendôme ont été un temps les employeurs de L.F Céline, mentionnés dans "Mort à Crédit". Ce "Vallombreuse" est le neveu de ma chère amie Sylvaine Massart. Comédienne dans "Thérèse" d'Alain Cavalier.

La nourriture sanglante des rêves. Texte en parallèle au tournage de "Coeur Bleu" de Gérard Courant.
La nourriture sanglante des rêves. Texte en parallèle au tournage de "Coeur Bleu" de Gérard Courant.
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La robe au lacet.

7 Mars 2020

Elle était dans un sale état. J'aurais du mal à la décrire. Le pire. De la tête aux pieds ! Elle hurle en moi! Tout mon être étalé sur la texture blanche et fine. Gaze sans voile.

Et cette chaleur au fond de mon ventre, la brûlure, la fièvre, j'aurais fui sous moi ?

Alentours, ça tourne et vire, ça fait cauchemar !

Les coulisses noires, comme un appel sonore où les cuivres tracent leurs fracas de fanfares ! Les arènes d'un cirque !

Pourquoi je la porte cette robe ! Pourquoi ? Nouée d'un simple lacet qui passe sous mes seins et souligne leurs formes de manière gênante. Je l'ai vue ! Sur les images pieuses, sur une pellicule affolée qui se dévide ! Je l'ai vu, ce visage d'actrice qui se détache en blanc sur noir! Y a un écran mouvant! Une salle vide ! Y a pas de mots, même pas de cris.

Une bouche ouverte ! Seulement ! Elle tente de fuir quelque chose qui la saigne, en toisons.

Pourquoi je la porte ! C'est pas là, qu'il faut la porter ! Elle est pas faite pour dormir ! Je rêve ou quoi ?! Un rêve qui crame les yeux !
Je me lève. La sensation que le spectacle est fini. Je reprends ma route, je suis les autres. Cette large tâche sous leurs yeux. La puanteur aussi. Je continue, je fais comme. Je monte même dans la voiture. Personne ne semble rien remarquer. Tout se déroule comme d’habitude.

Et nous roulons. La route défile sous la nuit un long battement de liserets blancs. Puis l'embardée ! Et mince ! C'est fait ! L'éclat des phares accrochant des brisures nocturnes ! Rien. Seulement dans la lumière de mon esprit, une lampe qui éclaire un pneu crevé, son essieu. L'acier.

L’acier. De là, que part toute l’affaire. L'acier sur un fond sombre, lunaire, menaçant. Fracassant la surface glacée d’une mer lourde et plate. Je connais ce décor, je l'ai visité.

L’acier, sa forme d’amas incandescent pour dévorer des êtres pâles aux cheveux blêmes.

L’acier d’armement, dans les contrées de la Ruhr. Et ça roule ! ça tambourine ! ça fait fanfare à nouveau ! C'est désastre de plaintes, de cris. C'est synthétique messerschmitt.

Mais revenons à la robe.

Où et comment vais-je pouvoir me l’ôter ? Maintenant arrêtés, il s'agit de trouver l'endroit, l'asile. Quelqu’un m’accompagne. Silence. Je connais cette personne, mais ne peut l’identifier, la nommer. J'incline la tête, je prête mes sens … Rien. Silence. Je la sens, seulement en présence. Nous marchons. La  nuit forme les pas. Frapper, frapper aux portes.

Une femme ouvre, me conduit vers l'arrière. Une petite chambre sans fenêtres. Une réserve étroite et rectangulaire, froide, étroite, noire. Un lit en bois. Un édredon. Enorme. Mes pieds frôlent des plumes qui volettent un instant, sur la carpette. Un rai de lumière blanche s’y pose depuis une lampe basse posée, à droite, sur une lourde commode encombrée d'images en souvenirs.

C’est là, que je vais pouvoir la retirer, cette robe.

Derrière la porte, dehors, quelqu’un patiente. La présence patiente.

Les autres passagers sont partis. J’apprends qu’ils ont profité de ma panique, de ce détour pour me changer, pour nous devancer. Gagner la vitesse. Ils sont trois. Le plus redoutable a pris les devants. Il a franchi l’autre côté des eaux glaciales profondes et noires de la baie. Je distingue la forteresse menaçante où quelque chose m’attend. Il va me le dérober.

Et je me réveille avec la franche sensation d’une menace. Ses reflets dans l’éclat lunaire, arrachent une déchirure dans ma gorge. Je manque de souffle. Des fractures lumineuses et métalliques s'agitent au secret.

Il est dans cette robe qui aujourd’hui, peu à peu, s’extrait, se dessine, se couture, se volette et glisse furtive sur les gouttes du temps.

Images d'illustration : "Gertrud" et "Ordet" de C T Dreyer.

La robe au lacet.
La robe au lacet.
La robe au lacet.
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